
Reconversion... en 2 temps
A 50 ans, sans argent, sans travail, sans diplôme et frappé d’interdiction d’exercer les métiers dans lesquels j’avais acquis une certaine expérience, j’ai eu à me poser une question clé : qu’est-ce que j’ai vraiment envie de faire de ma vie ?
Lire, écrire et faire du sport
Ça n’était évidemment pas la première fois que je me la posais, et comme depuis mes 25 ans, cette fois encore, la réponse fut la même : lire, écrire et faire du sport. Mais à ce moment-là, et sous la pression d’une certaine urgence, je ne voyais pas du tout comment je pouvais gagner ma vie en le faisant.
C’est alors que le vélo est arrivé dans l’équation et j’ai décidé d’en faire le point de départ de ma reconversion.
C’était en janvier 2022. Quelques mois plus tôt, en prison, j’avais été inspiré par plusieurs reportages, vus à la télé, portant sur le marché du cycle qui semblait bénéficier d’une très bonne dynamique. J’avais fait beaucoup de vélo autour de la quarantaine et j’en gardais de très bons souvenirs.
J’ai alors commencé à projeter des voyages à vélo, j’ai effectué un stage chez un artisan brestois pour assembler un vélo autour d'un cadre en bambou (local), je me suis formé à la mécanique et j’ai exploré différents univers professionnels qui touchaient au vélo.
Cyclologistique
Toutes ces recherches m’ont orienté vers un nouveau métier en train de se structurer : la cyclologistique.
Après les périodes de confinement qui avaient boosté la livraison à domicile et le e-commerce ; dans une période marquée par une quête de sens aussi bien dans le travail que dans la vie quotidienne ; sur fond général de crise environnementale appelant à une décarbonation des transports en général et de la livraison urbaine en particulier ; la cyclologistique s'inscrit comme une réponse particulièrement pertinente à un grand nombre d’enjeux sociétaux majeurs. C’était très tentant !
Je n’étais pas entièrement novice sur le sujet. Dans les années 90, avec mon frère, ma sœur et mon père, nous avons même eu, pendant 5 ans, une petite entreprise familiale qui faisait de la livraison de presse, à Paris. Nous employions une vingtaine de livreurs pour servir leur journal aux 5000 abonnés du Figaro résidant dans les 14è et 15è arrondissements, chaque matin, devant leur porte, avant 7h. Et de cela aussi, j'ai gardé de bons souvenirs, malgré les dures réalités du métier.
Un opportunité risquée mais tentante
En explorant le sujet et en faisant de bonnes rencontres, j’ai commencé à avoir quelques opportunités professionnelles et celle qui s’est concrétisée la première est venue d’un trio de jeunes entrepreneurs qui avaient créé, un an auparavant, une entreprise d’insertion œuvrant dans la livraison à vélo-cargo en région parisienne.
Ils étaient ambitieux et dynamiques, ils portaient un nom de famille qui pouvait donner confiance au marché et ils avaient très envie d’avoir une startup et de la faire grossir. Il y avait du potentiel !
Je les ai trouvés sympathiques et volontaires, malgré leur côté un peu « brouillon » et ils ont décidé de m’embaucher comme Responsable Opérationnel, malgré mon passé "sulfureux".
Ils ne connaissaient pas grand-chose à la livraison, rien au vélo et pas beaucoup plus au métier de l’insertion. En fait, il leur manquait à peu près toutes les qualités et compétences nécessaires pour réussir ce genre de projet. C’était un risque et je ne l’ignorais pas mais j’ai eu envie de croire qu’avec leur énergie et mon expérience, nous pouvions sans doute faire quelque chose d’intéressant ensemble. Ça n’a pas vraiment été le cas.
Incompatibilité de vision et de méthode
Après des débuts prometteurs, je me suis épuisé pendant des mois en accumulant des heures de travail peu productives et très frustrantes. Malgré mes efforts et malgré la bonne volonté de l’équipe que j’animais, nous n’avons jamais réussi à influer ni sur la stratégie incertaine, ni sur la structuration des process de l'entreprise.
J’ai fini par me lasser de mon investissement à corps perdu, sans recevoir de reconnaissance pour les efforts fournis. La communication de nos dirigeants, souvent brusque et autoritaire, est devenue difficile à supporter. Travailler dans un environnement indifférent ou conflictuel m'a toujours rebuté. Mon contrat arrivant à son terme et notre collaboration n'évoluant pas, celle-ci s'est arrêtée au bout d'un an.
Re-reconversion - l'appel de l'écriture
En janvier 2024, deux ans après le lancement de mon projet de reconversion, je me retrouvais un peu au point de départ.
Mais cette expérience me servait de leçon :
> je ne devais plus céder aux sirènes de l'ego qui m'appelait à reprendre des fonctions d'encadrement opérationnel ou de gestion de projets trasversaux.
> et surtout, je ne devais plus ignorer l’appel de l’écriture. C'était l'heure d'y aller.
Par ailleurs, entre temps, j’avais eu une sorte d’épiphanie en découvrant que j’étais sûrement capable d’écrire autre chose que des textes « utilitaires ».
Tout au long de ma vie professionnelle, dans toutes mes activités, j’avais toujours beaucoup écrit : pour des programmes de formations, des brochures commerciales, des courriers professionnels, des articles de blogs ou des publications sur les réseaux sociaux…
Cela totalisait sans aucun doute des milliers de pages mais, pour d’obscures raisons, je m’étais toujours interdit d’envisager la fiction. Pour tout dire, mes dernières expériences dans le domaine remontaient à des rédactions de collégien et je n’avais jamais fait le lien entre raconter des histoires inventées et faire passer des messages applicables dans le réel.
Avoir un impact... par l'écriture
Or c’était toujours l’intention sous-jacente de mes engagements professionnels : essayer d’avoir un impact positif sur les choses et sur le monde. Alors quand j’ai entrouvert cette porte, un nouvel univers m’est apparu et c’est ce que j’ai décidé d’explorer pour voir jusqu’où cela peut me mener.
Une autre étape clé a été pour moi la découverte du « travail d’écrivain ». Je crois que mes lectures, toujours très sélectives, m’avaient jusque-là amené à considérer qu’en dehors des grands auteurs, auxquels je me sentais incapable de me mesurer, il n’y avait pas de littérature. Et, de fait, quand je prenais un infini plaisir à lire Tolstoï, Proust où Hugo, je plaçais la barre tellement haut que je ne pouvais pas concevoir de me lancer à mon tour dans l’écriture.
Pour rendre les choses encore plus intimidantes, ma pratique personnelle avait jusqu’alors reposé sur une certaine facilité. Pour le genre de texte que je produisais, le premier jet était souvent le bon, et j’imaginais qu’il en allait ainsi de toute production littéraire. L’inspiration et le talent devaient suffire à faire glisser le stylo sur la feuille pour produire des chefs-d’œuvre.
Or quand je prenais mon stylo et que je le laissais glisser pour écrire de la fiction, il n’en sortait jamais rien de très abouti. Des suites de phrases qui voulaient dire quelque chose mais auxquelles il manquait à peu près tout ce qui fait de la bonne littérature. Ne parlons même pas d’éventuels chefs-d’œuvre.
Apprendre le métier d'écrivain
En creusant le sujet, grâce au Podcast « Book Makers » de Richard Gaitet et par la lecture de textes de romanciers sur leur pratique d’écriture, j’ai découvert le travail d’artisan qui se cache derrière les productions littéraires. A fortiori dans le cas des grands écrivains.
Documentation, structure, 1er jet, relectures multiples, regards de tiers et fignolage de chaque page, chaque paragraphe, chaque phrase pour appliquer au texte un style cohérent, ainsi qu’un rythme et une force qui feront toute la qualité de l’œuvre finale. Vue comme ça, la chose devient plus faisable. Énormément de boulot, mais faisable.
En élargissant le champ de mes lectures, j’ai aussi découvert des genres très intéressants pour leur potentiel de divertissement (donc accessibles à un large public) tout en permettant de faire passer des messages forts. Dans cet esprit, le roman noir, le polar et le format court (nouvelle), sont autant de points d’entrée qui me montrent la voie et m’invitent à me lancer.
Le démarrage : les premières nouvelles
Au cours des 3 derniers mois, sur cette belle inspiration, je viens de produire quatre nouvelles répondant chacune aux exigences des concours auxquels je les ai soumises - thème imposé et nombre de signes spécifique.
Dans le même temps, je me suis mis au travail sur un roman dont le titre provisoire est « Vélo-Cargo ». La structure est posée, le 1er jet est en cours d’écriture et à partir de cette première histoire, qui s’inscrit dans le genre « noir » ou « néo-polar », j’ai déjà identifié une série qui devrait donner jour à quatre autres romans. Les personnages prennent vie et certains fils narratifs ouvrent sur de nouvelles histoires qui viennent se tisser à la trame déjà existante. Il semble que le récit se nourrisse de lui-même. C’est une très belle sensation.
Reste à parfaire ma technique pour en maîtriser l’écriture afin de donner forme à de vrais bons romans, éditables et lisibles par un grand nombre de lecteurs. C’est le défi que j’ai décidé de relever. Les lecteurs jugeront de la qualité de ce qui en ressortira.
A suivre, donc…